«
Peut-être certains de ses anciens élèves du Lycée Lamoricière se souviennent-ils de Georges Schmitt ,
ancien Professeur d’E.P.S. que les
évènements » obligèrent à quitter en 1958 ?
Pour
ceux qui l’auraient oublié , qu’il nous soit permis d’en résumer la vie quelque
peu atypique …
Georges
Schmitt eut la « mauvaise idée » de naître en 1919 . un rapide calcul
mental permet de comprendre que c’est au retour de la guerre d’un père marqué
dans sa chair et dans son âme que le petit Georges fut conçu . Il allait
connaître une enfance difficile , lui valant d’être reconnu Pupille de la
Nation et d’être élevé dans un pensionnat de religieuses .
Malgré
cela , il fit une très bonne scolarité et , à l’âge de 18 ans , il voulut
entrer dans les Postes . Mais pour que cette Administration puisse l’accueillir
, il lui fallait être libéré de ses obligations militaires . Aussi , devançant
l’appel , en 1937 , il endossa l’uniforme qu’il n’allait quitter …que 8 longues
et éprouvantes années plus tard .
En
effet, la fin de temps légal fut marquée par la déclaration de Guerre . S’il
avait passé du « bon » temps pendant son service militaire ,
ayant notamment demandé à être affecté à Tours…pour visiter les châteaux de la
Loire (affirmation faite de bonne foi à l’un de ses officiers l’ayant
questionné sur ses motivations et qui « l’envoya au trou » pour
cette réponse incongrue ! ) , la période 1939-1945 ne fut que trop souvent
un véritable calvaire que , même au
terme de sa vie , il ne pouvait évoquer sans avoir les yeux embués de larmes .
Il fut de ceux qui , notamment, combattirent à Monte Cassino ou qui
débarquèrent sur les plages de Provence dans les conditions que l’on imagine .
Quelques jours encore avant son « grand départ » , il se demandait
encore pourquoi, Lui , était passé au travers alors que de trop nombreux
camarades de combat étaient tombés à ses côtés , victimes du feu ennemi .
Quand la « der des ders » s’acheva , il
avait pratiquement 26 ans . Au cours de sa jeunesse, cette période au cours de
laquelle naissent les premières amours, où l’on échange les premiers baisers,
lui , il n’avait étreint…que son fusil . Comme il le répétait fréquemment ,
« Il faisait partie de cette génération qui n’avait pas eu de
jeunesse… »
La
paix étant revenue,il lui fallait embrasser une carrière . au fil des ans, les
Postes avaient perdu l’attrait qu’il leur avait trouvé plus tôt . Non, après ce
qu’il avait vécu , il lui fallait être plus ambitieux , se prouver qu’il
pouvait faire mieux . C’est ainsi qu’il reprit ses études et obtint son
baccalauréat avant de se préparer et de réussir la formation de professeur
d’E.P.S. , complétée par celle de Maître-Nageur-Sauveteur .
Le
31 juillet 1948 , il épousa Gisèle Sambain qui l’avait séduit quelques mois
plus tôt alors qu’il était de passage à Marseille . Cette épouse modèle dut
être très vigilante pour que le bel athlète qu’elle avait attiré à elle ne se
laisse détourner par l’une de ces nombreuses représentantes de la gente
féminine très sensibles à son charme… D’ailleurs , sur son dernier lit, à
l’hôpital de l’Isle-sur-la Sorgue , cette charmante ville vauclusienne où il
effectua l’essentiel de sa carrière , il entendit à plusieurs reprises
certaines des infirmières , anciennes élèves , évoquer leurs souvenirs
d’adolescentes dans lesquels Georges Schmitt tenait une certaine place :
mais honni soit qui mal y pense , car s’il avait un grand amour de son métier ,
s’il éprouvait pour ses élèves une véritable affection , jamais il ne se serait
laissé aller à un quelconque débordement particulièrement condamnable . On peut
être un bel homme et avoir , en toutes circonstances, le sens de l’honneur et
du respect . D’ailleurs , c’étaient les autres qui le trouvaient beau car lui
était trop modeste pour prendre conscience de cette beauté .
Sa
première affectation , il l’obtint au lycée Lamoricière d’Oran où vivaient le
couple et les parents Schmitt . Très vite , ce métier le passionna au-delà de
ce qu’il pouvait espérer. Il s’y consacra avec toute l’énergie qu’il avait
retrouvée après les douloureuses épreuves traversées. Il pratiqua lui-même
le sport de haut niveau puisqu’il en arriva à être pré-sélectionné olympique en
aviron pour les Jeux de 1952 . Malheureusement , l’Administration estima
qu’elle ne pouvait se passer de ses services et lui refusa la possibilité de
participer à ces Jeux .
Qu’importe !
Champion olympique , il ne le serait pas, mais formateur de champions , il le
serait , et l’Administration ne pouvait s’opposer . C’est ainsi qu’il allait
découvrir et initier de futurs médaillés , parmi lesquels celui qui marqua
toute une époque , Alain Gottvallès .
Mais
l’Algérie fut à son tour gagnée par la violence , ce qui valut à M.Schmitt
d’endosser une nouvelle fois l’uniforme pour une période , heureusement
relativement brève , mais toujours trop longue quand il s’agit de côtoyer le
danger .
En
1958 , il n’était plus possible de rester sur le sol algérien. La mort dans
l’âme ,la Famille qui s’était agrandie avec la naissance de Nicole en 1952 et
de Gérard en 1956, dut se mêler à cette vague de Rapatriés que les
métropolitains virent arriver d ‘un mauvais œil .
C’est
à Valreas que la famille Schmitt s’installa . L’accueil ne fut pas des plus
chaleureux, loin s’en faut . Un peu plus tard , M.Schmitt demanda sa mutation
pour l’Isle-sur-la Sorgue où il termina sa carrière . Un troisième enfant,
Rolland vint agrandir le cercle de famille qui s’installa dans un pavillon pas
très loin du lycée Benoît où M.Schmitt exerçait .
Son
activité professionnelle , il la poursuivit avec le même dévouement , la même
passion . A huit reprises , l’équipe d’athlétisme qu’il entraînait fut
championne de France . Et pour se reposer ( !) , ses vacances , il les
passa comme directeur de piscine à St Saturnin d’Apt ou comme directeur de
colonies de vacances . Malgré toutes ses activités , il réussit à créer le
centre aéré qui fonctionne toujours actuellement pour la plus grande
satisfaction des familles l’Isloises.
Malheureusement
, en 1975 , alors qu’il effectuait une randonnée à bicyclette avec ses élèves,
une mauvaise chute mit un terme à cette brillante carrière .
Que
retenir de Georges Schmitt ?
D’abord
son extrême générosité : « Donner , donner et toujours donner »
telle aurait pu être sa devise .
Un
sens du devoir, un grand professionnalisme et une probité à toute épreuve .
Enfin
une modestie peu commune . Il a toujours refusé les honneurs , quelle qu’en
soit la provenance . Les honneurs militaires ? Pensez donc ! Ceux qui
étaient tombés , ceux-là, méritaient effectivement d’être honorés . Mais lui,
il était revenu en vie …N’était-ce pas là l’honneur suprême ? Si son
gendre avec lequel il entretenait de très forts liens affectifs ne s’était pas
occupé discrètement de la chose pour lui en faire la surprise, jamais il
n’aurait eu la Médaille Militaire qui lui fut décernée quelques 60 ans après la
cessation des combats .
Quant
à sa réussite professionnelle , quoi de plus normal ? Il avait été formé
pour cela ! Ce métier , c’est lui qui l’avait choisi ! Comme il
aimait le répéter , le menuisier peut gâcher une planche qu’il a sciée de
travers : il en taille une autre et c’est tout . Mais un élève, on n’a pas
le droit de le « louper » . lui , n’aura pas de deuxième chance . Et
puis , quelle satisfaction de voir un élève gagner quelques centimètres dans
ses sauts ou ses lancers , ou arriver , enfin, à grimper cette satanée corde
lisse ….
Georges
Schmitt , c’était cela , un homme
d’exception qui , le 6 mars dernier s’en est allé rejoindre son fils Gérard ,
parti 3 ans , pratiquement jour pour jour, avant son père lequel a souvent
manifesté son désarroi et sa peine face à une telle forme d’injustice du destin
.
Ses
proches , ses amis , ses anciens élèves pleurent aujourd’hui cette disparition
qui laisse un grand vide …….
…….Oui, pour moi, le départ de mon Beau-Père a créé un grand vide. Quel homme merveilleux a-t-il été!
Et
cette coïncidence qui a voulu que, cette année, quelques jours seulement après
son "grand départ" votre rassemblement annuel ait lieu à AVIGNON, à
quelques kilomètres seulement de l'endroit où il repose maintenant,
n'est-ce pas un clin d’œil qu'il a voulu nous faire à tous?
Vendredi
dernier, j'ai "récupéré" ma Belle-Mère à l'Hôpital; elle est à nouveau
avec nous, dans un état de santé qui s'est amélioré, certes, mais qui n'est pas
encore ce que l'on pourrait espérer. En tout état de cause, elle est encore
trop fragile pour lui montrer les documents que vous avez avez eu la
gentillesse de nous joindre.
et,
vous remerciant encore pour votre extrême gentillesse et votre pensée pour ma
Belle-Mère, je vous assure, Cher Monsieur, de toute ma bonne amitié. »
Alain
SERVAIN